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alcoolisme et jinbei froissés, amanda woodward, Chofu, feu d'artifice, hanabi, poulet frit et porte-voix fluo
Oh la belle jaune !
Ben voui. Le feu d’artifice est à l’été japonais ce que le grain de beauté est au visage : c’est suivant le cas, quelque chose plein de charme ou un truc assez éprouvant et grossier.
Pour une fois, il ne pleuvait pas pour ce feu d’artifice de Chofu, ce qui est déjà mémorable en soi.
Je me souviens encore de l’année d’avant, de la mine orangée, mi-étonnée, mi-molette d’Iwan, hollandais rencontré peu avant et qui découvrait sur place que n’allions pas, tel qu’il l’imaginait en enfilant un délicat pantalon de lin blanc, assister aux explosions d’une terrasse sur laquelle nous nous serrions assis, royal privilège des nantis, mais bien que nous irions au charbon, à la bâche, celle en plastique bleu sur laquelle on s’assied des heures durant, le dos cassé, les oreilles bientôt aussi, les chaussures prenant l’eau tandis que crépitent les goutes….
Non seulement nous étions logés à la scoute, mais en plus, il plu comme salaryman pissant pendant un nomihodai. La boue colla aux mocassins, la bière embruma les jugements, la fatigue acheva les membres endoloris. Ouéééééé….
L’an passé, re-pluie.
Et cette année, miracle : les gouttes commencèrent à tomber APRÈS le final, et le feu fut plutôt moins raté que sinon. Parce qu’on dira ce qu’on veut sur les talents d’artificiers nationaux, indiscutables, il convient de savoir que niveau rythme et timing, c’est bien souvent puissamment à côté de la plaque.
Parfois, ça réveille en moi une petite nostalgie nationalo-kleinbürger, une mini-chauvinisme prohelvète de 1er aout, quand crépitent avec une régularité et une précision toute nationale les fleurs de feu sur le lac, éclairant doublement Zürich, bourgeoisement illuminée de lanternes rouges et croix, quand tous se tiennent sur les collines surmontant la ville, silencieux ou presque jusqu’à l’hymne national, bouquet final, bras tendu et bottes astiquées...ah non, quand même pas…mais bref.
D’un autre côté, le joyeux bordel (relatif, hein ?) nippopopopon, c’est une nuée de yukata multicolores, des familles qui brament alors qu’un vague doréamon apparait dans le ciel, c’est papa en jinbei froissé, avachi après quelques bières de trop, c’est normal puisque depuis 17h22 tout le monde enquille tout et n’importe quoi comme préliminaire, du moment que ce soit alcoolisé d’un coté, gras et frit de l’autre (un hanabi sans kara-age, c’est d’une tristesse à faire débander Alban Ceray), une foultitude de portables tendus vers les lumières du ciel, c’est des papys sur des tabourets pliants avec des équipements photo à 300.000yens minimums pour des résultats d’une médiocrité prévisiblement confidentielle, c’est la longue remontée sur les berges glissantes de la rivière, coincé entre 5000 autres personnes qui ont autant que vous envie de pisser, tandis que la police contrôle au mieux avec leurs porte-voix en plastoc fluo.
D’une manière ou d’une autre, j’ai envie d’écouter Amanda Woodward :
Le bonheur en France, c’est nos feux d’artifices, si le bonheur en rance, c’est nos feux d’artifices, fallait prendre la bastille plus d’une fois.
(ça n’a aucun rapport, je sais…)
Le feu d’artifice japonais, aussi pénible qu’il puisse être avec son ennui d’attente, son alcoolisation excessive, sa chaleur, sa transpiration, eh bien ça reste tout de même un moment rare de lâchage, de proximité, d’échanges sociaux, et ça, ça ne peut pas faire de mal dans ce pays.
Cette année, la citation de vieille bouche de l’été revient au vieux assis à côté avec sa chaise pliante et son pied d’objectif taille maousse (pas un problème, vu qu’il avait plié notre bâche pour « créer » une place libre…) :
Ça fait 3 ans que t’es au Japon ?! Et t’as pas honte de parler aussi mal ??
Si. Ta gueule.
Oh la belle rouge !