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Mais qu’est ce que c’est que ce délire de facturer une coupe de champagne 2000yens ? C’était la surprise au moment de l’addition du restaurant I, dont le nom le rend aussi facile à googler qu’il est à trouver dans la vraie vie : 20 minutes à tourner dans Harajuku, pour trouver un resto blanc ayant son entrée dans un hall situé dans le jardin intérieur d’une résidence chic, sans autre indication qu’un panneau indiquant sobrement « Restaurant » dans le parc (privé et non-fumeur, résidence oblige) attenant.
Pas d’enseigne, pas spécialement d’identité visuelle non plus. Du blanc, du propre, et un logo qui ressemble à softbank en érection, dixit Robin. Vieux cochon, va.
L’accueil est sympa mais les serveurs de compétences inégales. Quand tu dois systématiquement demander la carte de ci et ça, c’est déjà un peu lourd. Puis il s’avère qu’il n’y en a pas. Ni pour le fromage, ni pour les digestifs. Tu me diras, ça peut être une technique comme une autre : si j’avais su que le champagne était à 2000 la flute, j’aurais sans doute pris un Fanta. Ç’aurait été parfait avec le dessert.
Quitte à parler boisson : la cave est vraiment jolie, esthétiquement, bordant tout le long de l’entrée de ses reflets de crus classés, une jolie manière d’inspirer le désir d’en prendre, dans un restaurant qui apparemment est bien pour l’option verre+plat en adéquation.
Une inspiration rapidement calmée par la carte, jolie mais franchement pas à la portée du premier venu et quand bien même, surcotée. Le château Pesquié 2008 est un bon petit vin très appréciable à 5500, mais ça fait tout de même une marge de plus de 4000 yens sur le prix d’achat. Et si on l’a choisi, c’est parce que c’est encore raisonnable. Pas le cas de beaucoup de bouteilles…
Dans la salle, surtout des vieilles, des entre-deux-âges sifflants du rosé en s’exclamant que la bouteille est jolie. Un anniversaire, une bougie plantée dans la boule de glace. Une certaine naïveté, c’est touchant. Plus que le serveur qui amène du rhum au lieu du café, tout ça parce qu’on lui a demandé la liste des digestifs disponibles avant. À moins que ce soit l’oreillette ? Le son est-il retravaillé par un opérateur ? Le central est-il délocalisé à Calcutta ? Pouvez-vous répéter la question ?
Écoutent-ils Stereo Total ou Green Velvet mixer en live en même temps ? J’en doute. Clarence fait sa moisson de marque-page (appelé « cartes de visite » par les autochtones, pour une obscure raison) à l’aide de son art millénaire de l’approche con-sensuelle qui lui permet d’entretenir de sincères bonnes relations avec la race des serveurs-restaurateurs, entre fermeté et compassion paternaliste, bref, un truc de droite.
Il est déjà moins consensuel on parle d’économie au Marquis, bar à l’ancienne du 4 season, avec ses garçons qui hument goulument les fumeroles des volcaniques havanes qu’on allume, le gilet lissé, l’œil pétillant et le cheveu gominé, le tout sorti d’une autre époque. Une ambiance quasi coloniale, comme ces clubs de Sumatra des Puissances des Ténèbres d’Anthony Burgess. Oui, je reprendrais bien un single malt, mais un Oban, cette fois.
La veille, l’ambiance était bien différente. Point de Robin en combo chemise-pantalon certifié 100% Katmandou, que du sobre.
Sobriété de mise au bistro l’Habitude, pour cause de carte des vins inexistante.
Le décor de restoroute, les toiles cirées sur la table, les couverts de cantine scolaire, dents tordues comme après un jour de frites où tu piques tout ce que tu peux dans l’assiette du voisin pendant qu’il reluque c’te conne de Virginie de 4°2 qui a encore fait tomber son plateau et que le pion pourri en matant son string-ficelle-à-brillants pendant qu’elle balaye. C’est pas permis de s’habiller comme ça à cet âge, quelle pute celle-là.
Le serveur sort aussi de ce décor. Vivacité de poisson mort sur l’étalage du Francprix de Besançon, charisme de salade de carotte en barquette, fortune d’orthophoniste en puissance (il ne comprend rien, n’entend rien, s’exprime mal…), grand corps pas forcément malade, mais c’est tout comme.
La présentation fait honneur à l’ambiance : salade d’endive et noix, sauce au bleu, le tout dressé à la catapulte dans une assiette creuse. Mais après tout, c’est sympa : le Ricard (sinon rien), la panière en fer-blanc, pas prise de tête. Le goût est basique, mais correct, acceptable au pire, et on n’a pas l’occasion de manger des endives tous les jours par ici.
La joue de bœuf de Clarence est un peu trop gluante, mais la mienne le fait. Le problème est l’abondance et l’incohérence : trop de légumes dont une grande partie inutiles, comme ces épis de maïs hors sujet ou ce redondant trio de trucs verts et oblongs. Ni esthétique, ni intéressant. Une approche purement alimentaire, anglaise : nourrir.
C’est là qu’il faut reparler d’I. Pour 3 fois le prix de la gargote précédemment évoqué, on pouvait espérer un peu plus d’intelligence dans l’approche gustative. Mais non, c’est presque la même chose, mais avec des ingrédients de luxe.
Pour preuve :
Ceci est une belle tranche de foie gras. Bonne cuisson, légèrement rosée au centre, tendre et fondant. L’émulsion, un moderne procédé d’utilisation intelligente de produits secs (=moins chers que les frais), est bien faite. Reste à savoir si la morille se prêtait au foie gras, ce qui est un peu plus sujet à caution, mais c’est pas mal. Seulement voilà: il fallait rajouter quelque chose, ce n’était pas assez, sans doute. Saurez-vous deviner ce qui irait le mieux avec un foie gras un peu classique et une morille en mousse ?
- Des frites de bananes plantain « aloko »
- De crémeuses tranches de mangues de Guinée
- Des topinambours blancs sautés au beurre salé de Noirmoitier
- Des pointes d’asperges blanches
- Un sablé sucré salé framboises-poivre noir
Si vous avez répondu 1, 3 ou 5, relancez les dés et faites un 4 et un 2, sinon allez à la page 236 pour affronter le mage-cuisinier. Si vous avez fait un 4 et un 2, relancez le 2 par 2 fois pour obtenir une paire. En cas d’échec, incisez-vous une couille avec un couteau à poisson et retournez à la page 12 servir de saut à sperme aux mitrons des oubliettes.
Si vous sortez la belle paire, bravo ! Mais aurez-vous les couilles de manger toutes les asperges blanches, filandreuses inclues, qui ruineront à chaque bouchée le délicat goût du champignon et plus encore, du foie, noyé dans le jus douceâtre des asparagus officinalis ?
Le n’importe quoi ne s’exprime pas simplement dans le choix de la garniture, mais aussi dans certaines velléités qualitatives, comme dans le choix des truffes accompagnant le filet (aux fonds d’artichaut…CQFD, port’nawak). Mais putain, si déjà tu mets des truffes, NE METS PAS DE TRUFFES CHINOISES, BORDEL ! Mets- en des correctes, parce que là, on croirait des pellicules de Géant Vert tombées sur une assiette de patates chaudes.
Oui, au goût aussi. Si vous ne savez pas de quoi je parle, vous êtes sûrement un de ces sales bourgeois au cul bordé de nouilles Fauchon, qui a passé sa jeunesse dorée en chipotant des petits fours de cocktails de nantis en rallyes de Versaillais. Tandis que chez moi on mangeait les pellicules de Géant vert pour avoir des protéines, et même que ma mère récupérait la sciure des meubles Ikéa* pour faire du pain. Le dimanche.
[*Le conseil du jour : ce sont les meubles « Billy » et « Vänkerwist ög » » qui font la mie la plus compacte. Grütt !]
Rémi sans famille, Germinal et Les Misérables, c’est Dynastie à côté de ma jeunesse. Je vous emmerde.
À propos de merde, c’était comme une immense de trace de frein qui ornait notre dessert, une calligraphie chocolatesque sur laquelle Robin s’empressa de poser le doigt, afin de procéder à la fameuse « vérification belge » ( « Goûte un peu voir, des fois qu’ça serait vraiment d’la merde, une fois ! « ).
Le côté régressif du dessert, pas cantonné à l’esthétique sauvage et sadique-anale, s’exprimait également dans les corn-flakes collés sur le [coussin en mousse] gâteau au chocolat découpé façon crise d’adolescence; Oui, de ces mêmes corn-flakes que vous avez offerts à vos mères, à qui la maitresse avait fait acheter du Poulain et de l’huile de palme à Intermarché pour une activité cuisine à l’école. Pareil, mais dans une 1 étoile Michelin.
Quelle audace ! Quelle thématique ! Quelle brillante idée, cette glace au poivre blanc (pas mal, au demeurant, sinon que la carte annonçait « glace au poivron » ) directement posée sur une cuillère, comme une invitation à se remémorer l’époque des batailles de petit pois au self.
C’est vraiment bien pensé, mais…
Dommage qu’à part nous, le resto ne fut parsemé que de touffes de vieilles et que je doute qu’elles aient mangé dans leur jeunesse autre chose que du tofu avec des baguettes, une autre forme de sadomasochisme assez raffiné, lui aussi.
Je n’ai pas parlé du dessert de l’Habitude ? J’ose pas…voila :
Une tranche de pisé au chocolat avec une glace (sans doute…) dessus, plus des éclaboussures et des poudres comme si le chat caché dans le bac à épice avait pété avant qu’on ne serve.
C’est quand même incroyable que, cher ou pas, les restaurants capables de sortir des desserts corrects soient si rares. Le post de Clarence sur le présent I et TroisGros me donne envie d’aller rejeter une papille chez le second, qui avait déjà de bonnes idées lors de notre premier passage. Mais on verra quand les finances le permettent (gros doute…).