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Des questions existentielles qu'elles sont bonnes, FLE, Gattegno, ginza, j'ajoute FUKUSHIMA à mes tags pour faire du passage, Jung et Freud sont en bateau, ma vie est un sac de patates, Silent Way, une sodomie à sec vaut mieux qu'une remise en question
Parfois tu ne sais pas quoi écrire, et parfois ça te tape dans la gueule comme une biffle de Rocco Siffredi.
En 2010, je passais la licence de FLE.
Je me suis senti mieux dans mon boulot depuis : passer ce diplôme, c’était autant obtenir un bout de papier légitimant mon travail qu’un travail sur soi. Obtenir un background théorique, de nouvelles idées, une connaissance globale de l’histoire de l’enseignement, c’était bien. Comprendre comment se préparaient (ou non) les enseignants de FLE par rapport à ce que je me contentais de ressentir, c’était bien aussi.
Je n’ai pas enchaîné avec la maîtrise, c’était trop lourd d’attaquer tout de suite. Outre les soucis persos qui ne me permettaient pas une concentration suffisante, je trouvais ça trop tôt ; j’aime mettre en pratique ce que j’apprends : la seule théorie n’a souvent que peu de sens de prime abord, mais quand on y réfléchit en situation, on trouve, la plupart du temps.
Mais commencer à réfléchir, c’est aussi remettre en question. Et à l’examen, on remarque souvent que les profs ayant une licence FLE ne sont pas meilleurs que d’autres, voire pire dans bien des situations. C’est l’absence de réflexion face à leur statut, face à leur langue et surtout face aux besoins de l’élève qui plombe. Et dans la situation, je m’inclus hélas.
Se remettre en cause, c’est un peu l’activité qui ne finit jamais, mais que tu fais à contrecoeur par excellence (ne dis pas le contraire, c’est aussi ridicule qu’un mec qui prétend ne jamais s’être branlé). Pourtant, tu y es bien obligé, sinon la vie te latte dans les couilles jusqu’à ce que tu le fasses ou crève d’un cancer. Tu peux résister longtemps, mais à un moment faut regarder les choses en face : tu enseignes comme une merde, parce que tu ne te poses pas les bonnes questions, ou surtout parce que tu ne veux pas t’en poser. Suivre une méthode est plus confortable, et puis ça ne touche pas à ta vie privée.
Or justement : j’ai le tempérament religieux.
Le rapport ? Pendant toute l’adolescence, je me suis cherché des méthodes, des guides, des carcans moraux, des idéologies, des systèmes d’existence, des écoles de pensée, des combats politiques. Avantage : une culture au dessus de la moyenne générationnelle dans le domaine, et 18 en philo au bac (ma moyenne de l’année).
Quand t’as 16 ans et que tu as déjà lu Épicure, Kierkegaard, Krishnamurti, Guy Debord, Saint-Simon, Karl Marx, Rudolph Steiner, L’Ancien Testament et La conjuration des Imbéciles, tu es au dessus de la moyenne qui roule en 103 SPX (+autocollant BONZAÏ records), désolé. Après, j’ai pas dit que ça m’avait rendu heureux, hein ?
Alors finalement, la vie te prend et te retourne (comme Alban Ceray), toi et tes idéologies, comme un sac de patates vidé à flanc de colline, que roulant tu dévales en essayant de rattraper quelques tubercules en passant, tubercules qui s’échappent de plus belle parce qu’ils ne roulent pas dans le même sens que toi. Ta vie est foutue, t’es mal, ton système de valeur s’est effondré, c’est comme une panne sexuelle permanente.
Et en bas de la colline, tu cherches, moitié désabusé, moitié avide d’espoir, voire si des fois il n’y aurait pas des noisettes, des chayottes, des rutabagas ou n’importe quoi dont tu pourrais remplir à nouveau le sac qui va de ta tête à ton cœur, parce que ce n’est que quand il est plein que tu te sens en sécurité, tu en es sûr.
Samuel avait dit que plus tu es sûr de quelque chose, plus tu as de chance de te tromper. Et au final, j’ai du mal à croire que ce soit faux : Sois assuré que la vie (ou dieu, ou Madoff, ou un polype, ou Vishnou, ou les frères Borganov) va faire surgir un truc de nulle part, un truc tordu comme une exception à la règle dans notre chère langue, tordu-dur comme Christopher Clark ou tordu-génial comme dans Dragon Ball, bref, un truc qui te secouera du haut de la colline.
Il en va de même de l’enseignement.
You do one little job, you build a widget in Saskatoon, and the next thing you know, it’s two miles under the desert, the essential component of a death machine.
Au début, tu te dis que t’as tout compris et que les autres sont des quiches, y’a qu’a voir, tu parles tellement bien aux élèves. Puis tu remarques que les élèves ne sont pas là pour t’écouter et que t’as bien de la chance d’être au Japon où les gens sont polis, au moins en surface. Tu essayes de t’améliorer, passe le diplôme, essaye de produire du contenu avec un succès variable, te farcis les journées pédagogiques de Dokkyo, à perpette au nord de Tokyo, où des intervenants se pignolent avec plus ou moins de force sur leur statut de FLEuteux professionnel et méprisent ta face de merdaillon travaillant dans de petites boîtes privées qui font inévitablement de la merde, c’est évident.
Et puis tu tombes sur les manuels qu’ils ont écrits, et tu as envie de gerber* tellement, c’est mauvais.
*c’est une image. En vrai, seuls les huîtres, le poulpe cru et la scatophile dysentrique à l’entonnoir me donnent envie de vomir.
Puis tu te demandes : ce que je fais est peut-être aussi mauvais que les autres ? Mais pour le remettre en cause, il faudrait abandonner son précieux, précieux système, et le pantoufleur sécuritaire en moi crie NON ! , je ne veux pas encore dévaler la colline et devoir chercher un nouveau sens à tout. Mais finalement, tout crie dans ce sens : le travail qui manque, l’opportunité d’en trouver, les pistes qui mènent vers la même chose, l’ambiance…l’adversité de ceux qui n’adhèrent pas, ou ne comprennent pas.
Je commence à travailler avec l’approche Gattegno. Je n’y comprends presque rien, la partie émerge de l’iceberg, mais j’aime ce que je vois. Le langage parle à ma vieille soif de mystique camouflée, comme de vagues résonances d’école de pensée dans ma boîte crânienne. Je me retrouve comme un enfant devant, mais un enfant adulte : perdu, mais content de l’être, comme un terrain d’expérience infini. Un adulte cependant, parce que l’œil porté sur ce qu’on fait et qu’on voit doit être celui-là.
Le fait de devoir porter un regard nouveau sur ses propres systèmes passés est un sacré coup dans le sac de patates, mais cette fois je refuse de dévaler la colline. J’ai envie de voir comment les patates sont empilées et voir comment ça se réorganise, trie, arrange, complète.
Et bizarrement, ça génère autant de gêne que de plaisir.
Le plaisir est évident, il est le même que le Légo : la première fois tu fais ce qui est sur la boîte, puis tu réinventes à l’infini tout en remarquant que tu reviens sur certains trucs. Tu fais avec ce que tu as, puis tu complètes. Happiness is a plastic brick.
La gêne, c’est plus subtil ; autant j’apprécie d’avoir à me remettre en question et essaye d’en être autant l’observateur intérieur qu’extérieur, autant ça me dérange de ne pas être seul dans ce processus.
C’est paradoxal : le monde extérieur est un gigantesque terrain d’expérimentation, et il faut l’utiliser sans quoi la transformation n’a pas lieu, mais en même temps, mon orgueil prend cher, j’ai peur du regard des élèves comme de celui de mes pairs, je suis nu, dénudé volontaire, exhibitionniste à petite bite…une chose que tu n’as pas forcement envie d’être, en gros.
D’autant plus que les élèves ne sont pas juste des élèves, ce sont aussi des clients, qui payent. Qui plus est, j’essaye d’utiliser l’approche (pas la méthode ou le matériel, notez la nuance) un peu partout, cours ou pas, mais ça me pose un problème moral par rapport à l’école qui m’y forme. Quelque chose dans ma morale interne désapprouve, sans que je ne sache pas identifier exactement quoi. Je n’ai pourtant pas l’intention de me barrer au plus vite et j’estime que toute l’expérience que je pourrai me faire sera bonne, ou qu’elle soit, mais bon…
Toujours est-il que j’ai reçu aujourd’hui les 12 cours de maîtrise, que je vais me taper un an de plus dans les bouquins et qu’en plus, j’ai d’emblée un apriori négatif sur ce que je vais étudier.
Et une bonne excuse pour bloguer encore moins.
Ben alors il est temps que tu relises tout ce que tu avais lu pendant le lycée, histoire que tu puisses soit 1) jeter tout ce qui doit l’être (comme Krishnamurti), soit 2) oublier tout le reste. C’est éclairant, les relectures.
Gattegno aurait été un grand pote de Luther.
C’est doigts dans le nez (ou ailleurs ; sympas les tags du billet, au passage) en se forçant un peu à lire des trucs stériles, mais bon courage tout de même pour la maîtrise.
Ceci dit, rien ne vaut un solide background en sciences naturelles (génétique, connaissance du monde animal, etc.) pour négocier l’enseignement des langues en douceur.
En espérant que le prochain billet n’arrive pas dans un an !
« Ceci dit, rien ne vaut un solide background en sciences naturelles (génétique, connaissance du monde animal, etc.) pour négocier l’enseignement des langues en douceur. »
Tu veux dire, en sciences fondamentales ? Le chaos, l’émergence, la vie, oui. Je ne crois pas qu’il y ait meilleure école que l’Univers lui-même pour « apprécier les distances » et comprendre les dynamiques.
Si tu veux seulement parler de la neurologie et ce qu’elle peut apporter aux méthodes d’enseignement, tu as parfaitement raison aussi ; même si c’est plus « terre-à-terre » et un poil approximatif, du coup.
C’est quoi la moyenne d’âge de tes étudiants ?
BTW : J’aime bien la plupart de tes photos. Dommage qu’on ne puisse pas les agrandir …
Merde alors, t’as raison…Quelqu’un sait comment changer les parametres de picasa pour que ce soit possible ?
Moyenne d’âge…mmmh…je ne sais pas. c’est important ?
J’imagine que si c’était des prépubères tu n’en parlerais pas de cette façon.
Enfaite si, je trouve cette information intéressante dans le sens où je m’interrogeais sur les raisons qui poussent des japonais à apprendre le français. Il pourrait s’agir d’étudiants ( 17/25 ans) souhaitant se perfectionner à la langue de Molière avant d’entamer une formation chez l’un de nos artisans garant de la préservation du « savoir faire français ».
D’un paysan désœuvré du Sendai (25/35 ans) qui souhaite apprendre le français, avant de mener une longue expédition terroriste en France. Afin de punir notre sacro-saint groupe AREVA, d’avoir vendu du Mox à Tepco.
De MIFL delaissées (35/50 ans) qui vont à tes cours, uniquement parce qu’elles espèrent que tu les brancheras dans un love hotel façon casting de w°°dman.
Oui, j’imagine que tu as bien compris, que je ne conçois pas que l’on puisse apprendre le français par plaisir.
Kiss (le groupe).
Ce n’est pas tellement différent d’à peu près toutes les autres langues en fait.. à l’image de ce qu’un individu appartenant à une culture peut se projeter comme idée d’une autre culture étrangère..
Donc ça va de la MILF, au jeune qui veut « pécho » de la française (s’il a pas trop peur, mais j’en connais, des vaillants.), en passant par celui/celle qui voit ça de façon utilitaire pour se reconvertir dans la boulangerie ou [insère ici n’importe quel artisanat « très français »], celle/celui qui suit/rejoint son/sa copain/copine, celle qui fantasme sur la France mais n’ira jamais/juste en coup de vent… et puis celui qui aime vraiment la langue mais c’est déjà beaucoup, beaucoup plus rare..
Pas tellement différent d’ailleurs en somme. Peut-être un poil plus de « MILF » qu’ailleurs 😉
Mon gars, tu publies certes pas souvent-souvent, mais c’est du puissant, j’avais pas lu approche aussi directe depuis longtemps, on est pas dans la même branche mais dieu que ça parle !
Perso, c’est des pierres que je visualise dans le sac, mais les patates, c’est cool aussi – moins tranchant.
« Piquant comme l’abeille, fluide comme le papillon », ça a marché pour Ali, pourquoi pas pour ta maîtrise ?
Tu changes peu à peu de zone de confort.
C’est toujours changer de zone qui nous fait nous remettre en question.
Je suis pas un génie de remarquer que ce qui te fait peur est l’avenir, au Japon comme ailleurs, mais justement, cette angoisse par rapport à ton travail tu peux la transformer (mon Dieu, j’ai l’impression de faire du life coaching sur le net…) en bonne énergie.
Mais j’ai pas vraiment l’impression que tu aies beaucoup d’entrain si ce n’est de réelle motivation à passer ta maîtrise, je me trompe ?
Cher collègue inconnu…
vous me semblez bien barge, aussi barge et fétichiste qu’un ami, Jeff, j’ai même cru 2 minutes qu’il s’était expatrié
n’ayant plus de blog perso pour cause de grosse remise en question (et oui, n’est ce pas) je me permets de vous mettre ici l’adresse de votre « autre vous », dont je suis sure qu’à défaut d’apprécier la prose (LA prose hein) vous apprécierez les photos des jambes de donzelles
http://lesjupesdesfilles.blogspot.com/
bonne lecture
La Chatte
Quand t’as 16 ans et que tu as déjà lu Épicure, Kierkegaard, Krishnamurti, Guy Debord, Saint-Simon, Karl Marx, Rudolph Steiner, L’Ancien Testament et La conjuration des Imbéciles, tu es au dessus de la moyenne qui roule en 103 SPX
quelle richesse dans le texte ! mais il ne faut pas confondre pouvoir lire et pouvoir comprendre… au Japon, il n’y a pas d’analphabete mais est-ce que tous les japonais comprennent ce qu’ils lisent… c’est une autre histoire !
au lieu de mal vivre le fait de n’etre pas reconnu a ta juste valeur, pose toi plutot la question de savoir ce que tu as de plus a apporter aux autres…et comment l’apporter… ne te comporte pas en shmok mais essaie d’etre un vrai mentsch
C’est parce que tous ces diplomes, c’est qu’une validation de théories surranées qui nous rassurent (et reposent) mais au fond bien tapie on sait bien que ce n’est pas ça… Qu’il faut à nouveau lâcher le sac, le remplir de cailloux trop tordus et trop lourds, d’idées nouvelles tellement vastes et floues encore qu’on a un peu le vertige (et la trouille, aussi, faut pas déconner), mais c’est bon aussi, la trouille, un peu, quand tu sais que tu as raison de tout remettre en question… Le problème c’est que ça ne s’arrête jamais. Ou peut être qu’un jour on arrête. Mais pas parce qu’on a trouvé. Juste parce qu’on est fatigué de chercher. Alors on suit une méthode, un peu, pour souffler sans trop de mauvaise conscience. Mais les miens, ils sont prépubères et pas spécialement bien élevés… Mais je crois que j’aime ça. Ce serait trop tentant de s’assoir, sinon.