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Un article sur l’amitié virile mais sans bites qui se touchent sous la douche.
Le tout illustré de photos neuneus qui n’ont rien à voir, mais avec des commentaires dignes de page Facebook d’une pucelle de 11 ans, ou d’une Marseillaise de 40.
L’amitié, c’est beau comme regarder un coucher de soleil ensemble, putain con !
Hier soir, j’ai enfin eu la chance de revoir Mamoru, un ami que je n’avais pas vu depuis bien longtemps. C’est un de mes forts rares amis japonais, ce qui est triste dans le fond, mais qui est en partie de ma responsabilité.
Quand tu arrives, tu as soudain, après deux ou trois nomikai, autant d’amis que d’antiquaires dans le quartier du Sablon. Bien.
On dit parfois que l’amitié, c’est aussi sucer des glands sucrés et riches en tannins. Mais c’est pas vrai.
Mais de la même manière que tu as peut être « plein d’amis gays » ou que tu te balades avec des Japonaises inintéressantes à faire le guide touristique roublard de level 100yens shop (« j’vais vous raconter des trucs salaces sur les rambardes des anciennes maisons de passe d’Aix-en-Provence, z’allez voir c’que vous allez voir ! »), les passionnant inversement autant que ce que tu dis, espérant baiser la moins moche qui n’est là que pour faire plaisir à la plus moche qui rêve de ton sceptre de souverain d’Otokar (oui, les bus et les autocars, ça va de paire*), eh bien, le constat est simple : c’est de l’apparat.
*Un pot de nutella ou une bière blonde offerte à qui la comprend.
L’amitié est blanche et pure mais peut avoir un coup de mou, comme la bite.
Vous prétendez avoir des pédés d’apparats. Vous les choisirez les plus sensiblement folles possible. Ils ne rencontreront jamais vos vrais potes.
Vous choisissez de promener des Nippones pour pouvoir être vu de toute la ville avec elles, et que partout dans la rue, qu’on vous entende parler de vous, que les filles soient nues, qu’elles se jettent sur vous, qu’elles vous admirent – qu’elles vous conspuent, qu’elles s’arrachent votre vertu, quoique le mot soit décidément mal choisi. Bref, elles ne verront jamais vos parents, à part pour justifier que le financement de votre LEA valait finalement quelque chose et que vous « parlez le chinois » pour de vrai, contrairement à ce que dit Papa.
L’amitié, c’est parfois comme un passage obscur, dans lequel on serre le sphincter s’il y a un bruit derrière nous.
Vos amis d’apparat, sélectionné sur critères de nationalité, d’orientation sexuelle ou couleur de peau si vous êtes à l’UMPFN (le fameux « ami arabe, qui travaille bien, LUI, pas comme les autres »), ils doivent vous mettre en valeur, mais ce sont les fleurs de votre maison. Redonner de l’eau est possible, mais souvent, laisser mourir est plus simple.
L’amitié, c’est parfois un fleuve tranquille. Très tranquille. Comme pour mourir noyé.
Donc, après quelque temps, votre liste d’amis est épurée. Oh, on vous invite encore régulièrement pour faire le gaijin de décoration, et puis aussi pour se prouver qu’on n’est pas froid, mais au final, coincé dans ces énièmes soirées dans un café-bistro au nom vaguement franco-italien (« quatre de buono » ? Genre…) à manger une tranche de chorizo espagnol de Niigata avec le 16e gin-tonic en 40 minutes (« plus que 20 minutes de free bar ! » ) et à répéter le même schéma conversationnel avec tout le monde, vous voudriez juste ne plus avoir « d’amis ».
Conversation type 1 :
– Tu viens d’où ?
– De France. De FU-RAN-SU.
– Aaaaah, j’ai compris. De Paris ?
– Non, de Provence.
-…(tête qui penche à droite)…
– Dans le Sud. Près de la mer.
– Du côté de Mont-Saint-Michel ?
– Non, du côté de Marseille.
-… (se tourne paniqué vers un autre pote)…
– Nice ? Tu comprends ?
– Ah oui, Nice ! J’y suis allé 1 jour.
– Et après tu es allé à Eze ?
– Ouiiiiii ! Comment tu les sais ?!
– Mahhhhhh…
– Et tu fais quoi, comme travail ?
– Professeur de français.
– Ah ben oui, bien sûr. Jaaaa…BONDJOURE ! Au fait, comment tu t’appelles ?
Au lieu de faire ce blog mité (mais pas miteux, j’en suis relativement fier), je devrais faire des manuels de conversation pour gens sobres en working holiday au Japanisthan.
L’amitié parle toutes les langues et même qu’on comprend quand même !
Pour ce qui est de la version bourrée, après quelques années, j’en étais là :
Conversation type 2 :
– Tu viens d’où ?
– De Kawasaki. Tu connais Kawasaki ? C’est au sud de Tokyo.
– Ahahaha…non, d’accord, mais sinon ?
– Tu me demandes ça parce que je suis blanc et parle japonais comme une merde ?
– …(énorme malaise)…
– Bon, de France. FU-RAN-SU.
– Oh, Furansu, ii neeee ! De Paris ?
– Oui, j’habite dans la tour Eiffel.
– Ah que tu es drôle…(vite, prendre un pote à témoin !)
– Plus sincèrement : dans le Sud, en Provence, près de Marseille
-… (se tourne paniqué vers son pote)…
– Nice ? Tu comprends ?
– Ah oui, Nice ! J’y suis allé 1 jour.
– Et après tu es allé à Eze ? Ou à Grasse ?
– Ouiiiiii ! Comment tu les sais ?!
– Tous les Japonais font la même chose. Et je vois à ton doigt que tu es marié. Tu as donc fait un voyage de noces en France…
– Whaaaa, t’es intelligent ! C’était comme dans ce drama…euh…
– Sherlock ?
– Hein ?
– SHE-RU-RO-KU.
– Ah oui ! ! Tu connais ?
– Bah ouais morray.
– …Et tu fais quoi, comme travail ?
– Professeur de français, comme tous les Français, parce qu’on n’a pas d’autres compétences.
– Ah ben euh… bien sûr. Jaaaa…BONDJOURE ! Au fait, comment tu t’appelles ?
Vous noterez combien je suis désagréable. Justement : Désagréable, c’est mon deuxième prénom. Vous pouvez remballer les noms à la con sortis de Game Of Throne que vous comptez donner à vos lardons quand ils sortiront du four. Moi, je suis Désagréable.
L’amitié, comme les ciels, ça se déchire. Prendez garde !
Et raciste. Pas autant que Robert ou les reteneurs d’étrons de la vieille génération (les papas agressifs qui meuglent contre tout, mais pleurent dés qu’on leur en met une…vous me ferez une liste en commentaire, j’aime les troller). Mon racisme de manuel scolaire (au feu les manuels !) consiste ici à considérer que, dans une situation donnée, tel individu se comportera d’une façon prédéfinie par son appartenance culturelle. C’est le fruit de mon expérience personnelle, mais c’est injuste parce que justement, ceux qui ne se sont pas comportés de cette manière sont devenus des amis ou des copains. D’autre part, j’ai tellement eu ce genre de conversations en France aussi…la pauvreté intellectuelle et l’absence de curiosité n’ont pas de pays.
L’amitié est de toutes les couleurs, comme les troncs de ces arbres lépreux.
C’est de ça que nous parlions donc hier soir. « Tu ne trouves pas que les Japonais sont un peuple sans intérêt, dont la conversation tourne souvent court par faiblesse intellectuelle ? »…Mamoru s’exprime en japonais, il n’a pas vécu à l’étranger, il n’a pas baigné dans une autre culture qui l’aurait poussé à relativiser la sienne (quoique souvent, l’effet inverse se produit, avec un phénomène « on est quand même mieux chez nous »)… Il a étudié un peu le français à l’université, quitté son poste de capitaine d’équipe de baseball (NB: ne plus jamais faire de catch-ball avec lui. J’ai cru jouer contre un orgue de Staline) pour se consacrer au design, avec un talent certain pour la typographie, a vécu en collocation, a rencontré une copine, et finalement, depuis le temps, s’est marié avec elle et à déménagé à Ibaraki reprendre l’usine de son père.
L’amitié, c’est aller ensemble dans la même direction, comme pour un boulot payé moins que le smic, mais ensemble et avec un joli uniforme.
Un mariage à la mairie. Deux papiers signés. Ni faux prêtre, ni wedding chappel à Omotesando, ni cortège de perruches en robes de mousseline saumon et paillettes sur les cheveux, ni gâteaux géants coupés pendant 4 minutes sous les flashs. Économie et bon goût certains.
Une réorientation professionnelle, mais encore des idées qui vont dans le sens de la créativité, et les yeux ouverts. Des discussions sur le fait que les mesures Abenomics sont en train de tuer les PME du Japon, c’est rare. « Les Français pensent être étouffés par les taxes ? Mais c’est presque la même fiscalité au Japon, sauf qu’ici, tout le monde ferme sa gueule ! »…Mamoru n’est pourtant pas un sale anarcho gauchiste de merde comme moi, loin de là.
L’amitié, c’est comme la constipation au travail, c’est aussi un choix.
Alors non, moi, je ne pense pas que le Japonais moyen n’a pas de conversation. Je pense que c’est lié aux individus, pas au pays. C’est sûr que le cadre d’existence joue : si tu es dans une optique de travail aliénant, mais que ça te satisfait parce que ça fait vivre ta famille, si tu ne penses pas que chercher autre chose soit digne d’intérêt, si lire un article sur « Les Chinois, ces sales bâtards qui veulent nous voler nos cailloux maritimes » au Doutor constitue ton instant culturel de la journée, si tous tes collègues sont des gens qui estiment qu’exprimer toute connaissance géographique, biologique, historique est une nuisance pour son entourage (j’en ai rencontré plein, des comme-ça), alors évidemment, ce n’est pas facile d’alimenter une conversation, ni même parler de choses qui t’intéressent toi-même.
L’amitié, c’est les joies simples de la nature, la découverte des choses naturelles.
Assis dans un minuscule rade de Shimbashi, on parle de vigne…j’explique qu’avec le Phylloxera, presque tout était mort, en France, et qu’il a fallu greffer sur des plants américains…et bien entendu, je ne trouve pas le mot « greffer » dans ma tête. Tu sais dire « greffer » et « porte-greffe » en japonais, toi ? Bon, ta gueule.
L’amitié est parfois une coque de ramboutan vide.
La batterie de l’iPhone étant inévitablement morte à cet instant précis (loi de murphy-jobs, etc.), j’étais bien obligé d’expliquer avec mon vocabulaire de gamin de CP (non, pas Capitaine Picard, ni…bref) : tu prends une branche, tu incises la souche, tu insères, tu bandes…C’est comme ça qu’on fait des bébés vigne.
Et là, le vieux salaryman d’à côté, je veux dire, des 8cms d’à côté, puisque ce sont des tables communes, et qu’il y en a 6 dans un espace grand comme une chambre à coucher, le vieux prends la parole. Il porte une chemise bleu ciel, son garakei* est dans la poche de poitrine de cette dernière, mais il l’a sécurisé par un tour de cou aux couleurs de son entreprise, dont il porte l’écusson sur la veste accrochée derrière lui (il fait 36° c, mais il porte une veste…). Les cheveux sont courts, il boit du shochu avec du thé vert et de la limonade (c’est immonde), bref : il a tout du tocard moyen.
Et le gars, tout sourire fier (il peut), qui nous dit comment on dit « greffe », en japonais : 接ぎ木.
L’amitié, c’est frais, ça ventile, et ça roule des joints.
Cet anonyme salaryman qui sait ça, qui sait comment on fait, qui s’intéresse à cette conversation au lieu de fumer des menthols à la chaine, qui s’excuse de s’immiscer dans la conversation, mais qui en connait un rayon…c’est ça qui est chouette.
Et la conversation continuera… sur le fait que Mamoru ne mange pas la tête des poissons parce que c’est amer, que moi oui, justement parce que c’est amer, que je veuille aller visiter Noto (et Ishikawa), que le vieux conseille Toyama, voire Fukui, qu’il vaudrait mieux y aller vite, parce que de grands projets touristiques sont lancés, et les prix autant que le littoral vont changer, que les crevettes de Toyama et celles de l’autre côté de la péninsule sont de variétés et de goûts différents, etc.
L’amitié, c’est faire des trucs où que tu te comprends mais les autres ils comprennent pas toujours. T’as vu ?
Ce mec avait des choses à dire. Pas comme un vieux pilier de bar qui cherche l’amitié et veut t’en mettre plein la gueule (d’abord en mots, puis en poings, puisqu’on finit toujours sur un désaccord avec les alcooliques).
Plus que la nationalité, c’est la curiosité qui fait la différence. Ecrivez ça au tip-ex sur votre t-shirt avec un vieil Indien qui regarde la lune, sur son cheval, avec les loups derrière et un canyon dans lequel vole un aigle. Evidemment, il faudrait sortir plus pour trouver les gens différents, peut-être. Je n’en ai ni le temps, ni les moyens, ni même l’envie : j’aime ces rencontres, fruit du hasard. Et Mamoru en fait partie.
Au plaisir de se revoir !
L’amitié est une flamme qui s’entretient. Un peu.