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alcoolisme ordinaire, école des annales, charlie hebdo, Illuminatis reptiliens du GIGN financés par Bill Gates, Jesuischarlie, La NSA et le Mossad sont en bateau, marx, matérialisme historique, Nouvelle histoire
Ce billet est long. Très. Trop. Alors si vous ne vous sentez pas de le lire correctement, faites une faveur à tout le monde, votre humble personne en premier : regardez juste les photos, et surtout, ne commentez pas. Ou alors pour troller. Ou corriger mes fautes.
Quelque chose me dit qu’il va me falloir une plombe pour rédiger ce billet, et que vous allez souffrir à le lire, mais je crois que ça fait aussi un bail qu’il me tourne autour, et que je n’y échapperai pas. L’occasion fait le larron, hélas, douze fois hélas. Il sera sous-documenté comme les autres, pleins d’approximations douteuses et probablement aussi pompeux/prétentieux que le reste.
Ce qui ne gêne généralement pas les 3 derniers fidèles lecteurs qui visitent ces pages en l’espoir de voir tomber un des deux billets bisannuels, mais… le sujet est un peu plus douloureux et problématique, vu les événements de ce début de mois de janvier 2015.
Pour le contexte, au cas où vous seriez le pire des ermites : les présents à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo ont été assassinés par 2 imbéciles. Ce sont des a priori des faits. Non, je n’ai pas vu les corps, ne commencez pas, j’ai des choses à dire avant.
On est à chaud, donc je n’ai presque aucun recul sur ce qui se dit, se lit, se voit. Je sais que d’abord, il y a eu le choc, de cette nouvelle absurde. Qui est assez con pour faire ça ? Puis, le chagrin, puisque comme pour une grande majorité de Français de ma génération, de la précédente, de celle qui a suivi, Charlie Hebdo a fait partie de leur adolescence, y compris celle qui s’est prolongée jusqu’à des âges avancés, comme mon père, par exemple. L’irrévérence du journal faisait vibrer cette corde, fût-ce de manière fort inégale.
Certains, disons beaucoup, auront pleuré le point de non-retour, celui qui fait que leur Charlie (souvent celui de l’ère de Gaulle) ne reviendra jamais, malgré le talent certain de certains et le certain talent de certains autres, c’est certain. Le Charlie d’aujourd’hui n’enthousiasmait que par intermittence, les finances du journal en témoignent. On l’achetait plus occasionnellement que d’habitude, et certaines pages provoquaient plus le sourire gêné que la gaudriole. Pour ma part, j’ai décroché petit à petit, avec ce que je pense être l’emprise apparemment de plus en plus autoritaire de Val (ses éditos m’ont toujours désolé), et l’augmentation d’enquêtes de qualités plus ou moins acceptables. Étant ou ayant été abonné au Monde Diplomatique, au Canard Enchaîné et à Médiapart (et aux 4 saisons du jardinage bio, OK.), j’ai une certaine idée de ce qu’est le journalisme de qualité, et n’apprécie que vaguement les approximations… Je ne suis pas le seul, et si je ne saurais dire vraiment ce qui me déplaisait, d’autres ont des arguments convaincants. Ce ne sont pas les miens, mais vous aurez le loisir de les lire, ne serait-ce que parce que c’est bien écrit.
http://www.article11.info/?Charlie-Hebdo-pas-raciste-Si-vous
ainsi que sa mise au point : http://www.article11.info/?Aux-fossoyeurs-de-tous-bords
Oui, pour le journalisme en soi, je préfère lire autre chose. Pour moi, c’est avant tout un rapport au dessin qui en a pris un coup. Je suis vraiment difficile pour le dessin de presse, et les plantutides, pardon, platitudes du Monde me donnent envie de lapider Thomas Vidberg à coup de patates. Je trouve cette soupe tiède autrement plus indigeste que le mauvais goût assumé de Charlie. Luz, Honoré, Cabu sont des gens dont le travail m’a fait rire profondément, souvent. Parfois pas, mais c’est mieux que jamais. Ça valait le coup d’essayer, alors ça valait quelques ratés aussi.
Luz n’est pas du convoi funèbre. J’ai poussé un ouf de soulagement, honnête. Ni Vuillemin, ni Tardi, ni Pétillon : le paysage national des dessinateurs de presse n’est pas décimé non plus. C’est égoïste, comme point de vue, mais c’est ce qui explique la douleur de la nouvelle, en premier lieu : ces gens qui t’on fait rire régulièrement depuis si longtemps, on les a tués. Ils ne te feront plus rire. Cette complicité du rire de presse, ce rire qui dédramatise les horreurs, les rend supportables sans qu’elles en soient acceptables, il fait partie de mon histoire affective personnelle, et sans doute de la vôtre aussi, pour certains. Pour d’autres, Cabu dessinant (des trucs assez consensuels) dans le Club Dorothée, ça suffira comme souvenir. Mais pourquoi pas ? C’est autant la perte du talent, que du meurtre de notre histoire de rires en commun, que la mayonnaise des réactions émotionnelles collectives qui fait naître ne nous cette tristesse. Il n’y pas forcément besoin de causes uniques, voire de causes justes, pour être attristé. L’empathie est une réaction légitime. Vous traiterez les gens de faux-culs autant que vous voulez, ils n’y gagneront que de la colère contre votre déni de leur souffrance, fût-elle éphémère.
Tiens, lisez ça, en passant : http://unodieuxconnard.com/2015/01/13/before-it-was-cool/
C’est là que je voulais en venir : les réactions. Vos réactions, ou plutôt celle des gens que j’observe, que je côtoie, avec lesquels j’entretiens un rapport, et les autres, dont la parole est relayée par le truchement des internets. La bruyante opinion de tous, inévitable, omniprésente, qui aurait pu être personnelle, mais à qui les connexions ont offert un public parfois superflu, souvent superflu. Comme ce billet de blog, qui devient à son tour un paquet de tracts mentaux balancé dans un réseau qui en est saturé. Un billet dispensable comme vos statuts Facebook, vos tweets et retweets, vos updates de blogs dans l’urgence…
Allez, pause lecture : http://www.streetpress.com/sujet/1420713927-attentat-charlie-hebdo-edito
J’en suis là aussi, parce que moi aussi, je suis égoïste et narcissique, que j’ai juste envie de dire ce que je pense, de traduire ce que je sens, si possible un peu aux dépens des autres qui le font moins bien, qui sont contre, qui sont des suiveurs, des hypocrites, des tièdes, des moisis, des arrivistes, et avec un vague espoir inavoué que ma souffrance si brillamment exposée, par la force de ma plume si agile, me fasse briller au-delà de ma pauvre zone de diffusion habituelle. En gros, je suis français.
Et de gauche.

Je suis de gauche moi aussi, mais je m’aliène au service du patronariat pour mieux le noyauter et préparer le matin du grand soir.
Comment ça, on s’en fout ? Nous sommes le 13 janvier : le grand rassemblement, l’union républicaine, la France indivisible réaffirmée, c’était avant-hier. La France (oui, disons que 4 millions de personnes dans les rues, ça me semble pas mal. Comme conclusion, c’est toujours moins hâtif qu’un sondage du Figaro). Aujourd’hui, place à ce que nous sentons vraiment.
Tout le monde n’a pas eu la décence d’attendre. D’ailleurs, tout le monde n’en ressent pas le besoin. Moi non plus : bien que soucieux de ne pas colporter n’importe quoi, ou de ne pas réagir sous le coup de sang, j’ai fait comme beaucoup : partager l’image > sauvegarder sous > changer photo de profil… Regarder tout le monde en faire autant, y compris des gens que je ne peux pas voir en peinture, idéologiquement. Lire l’interview de Luz, d’une justesse soulageante. Rechanger l’image de profil, etc.
Si vous n’aviez qu’un truc à lire: http://www.lesinrocks.com/2015/01/10/actualite/luz-tout-le-monde-nous-regarde-est-devenu-des-symboles-11545315/
D’autres ont eu encore moins de retenue (encore un gros mot, castrateur, punitif), mais c’était aussi une sorte de lucidité politique : Marine Le Pen a immédiatement pissé sur les cadavres en demandant à titre personnel le retour de la peine de mort. Aussi désolant que ce soit pour moi, elle anticipait — par ce raccourci illustrant la simplicité déconcertante de la manipulation politique à l’adresse des simples d’esprit — la manœuvre de la masse, qui voulaient crier vengeance d’abord, puis crier victoire, et enfin crier répression.

Nous sommes Charlie et nous allons voter des lois liberticides, parce que. Avec 20 ans de crédit restant, vous feriez pareil, jeunes cons.
Les cris de liberté du 11 ne trouvent d’échos que dans ceux réclamant plus de surveillance, plus de contrôles, plus de cadre répressif lourd et inutile : un patriot act à la française, sur fond d’un mélange confus de racisme et d’islamophobie. On va faire exactement ce qu’on reprochait à Charlie Hebdo : tous les Arabes sont potentiellement musulmans, tous les musulmans sont potentiellement talibans ou daesh-ites (j’aime la sonorité que ça prend). Seulement voilà, une caricature, c’est un dessin pour se moquer, alors qu’une idéologie prolongée par un arsenal juridique, ce sont des morts. Des morts, il y en a déjà eu 12 dans une rédaction, parce que certains ne comprennent pas ce que ça veut dire. Alors, prolonger leur raisonnement, ça me paraît tellement déplacé…
Lisez néanmoins ça : http://www.arretsurimages.net/articles/2015-01-08/Je-ne-suis-pas-Charlie-Et-croyez-moi-je-suis-aussi-triste-que-vous-id7366
Bref, on va vers plus ou moins tout ce que conchiait chaque semaine Charlie, toutes époques confondues. On a déjà eu droit à une sacrée dose de n’importe quoi, les cloches de Notre-Dame qui sonnent, Wall Street est Charlie, le FN qui veut participer à la marche, des tyrans invités, Netanyahou et Sarkozy qui s’incrustent, le panthéon évoqué, etc. C’est la grande gaudriole.
« Cet unanimisme est utile à Hollande pour ressouder la nation. Il est utile à Marine Le Pen pour demander la peine de mort. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix. Or, précisément, les dessins de Charlie, tu ne pouvais pas en faire n’importe quoi. Quand on se moque avec précision des obscurantismes, quand on ridiculise des attitudes politiques, on n’est pas dans le symbole. »
Finalement, c’est ce qui compte : le 11, les Français défilaient. Luz voit juste, à mon avis, quand il dit simplement qu’ Hollande a besoin d’un grand rassemblement d’union nationale. Je trouve ses mots très bien choisis. La suite est mon exégèse personnelle. Si vous étiez déjà fatigué, c’est le moment d’arrêter de lire.
Les mots de Luz s’inscrivent, de mon avis formé par les études (historien-géographe…), dans une série de courants de pensée historique assez typique (caricaturale, diront d’aucuns) pour l’approche française du sens de l’Histoire.
Cet intitulé de base vous aura donné un indice : ce qui suit ne s’inscrit pas dans une vision kantienne/néo-kantienne de l’Histoire ; l’idée que l’histoire soit un enchaînement de hasards, quoique je ne la rejette pas entièrement, je n’y souscris pas entièrement non plus, et ce n’est pas l’objet de la démonstration.
Tout d’abord, considérons le matérialisme historique (version un peu désabusée, pour ma part) :
« Le matérialisme historique, ou conception matérialiste de l’Histoire, est une méthode marxiste d’analyse de l’histoire, dans une optique matérialiste. Elle induit l’idée, présente dans les écrits de Karl Marx et Friedrich Engels, que les événements historiques sont influencés par les rapports sociaux, en particulier les rapports entre classes sociales, donc par la situation réellement vécue par les êtres humains. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Matérialisme_historique)
L’Histoire est une construction. Hegel voyait dans l’histoire une construction linéaire, temporelle, et Marx va la reprendre (et rompre avec, bien sûr) : l’histoire à un but et une fin. Si le propos de base semble lointain dans notre histoire de trous de balle tirant sur des tailleurs de crayon, il reste que l’Histoire en tant qu’entité temporelle à sens déterminé est construite par ses acteurs. Sauvegardez cette image pour plus tard, sur votre disque Iomega Zip de 250mo.
L’école des annales, c’est notre deuxième élément de courant historique.
« L’histoire doit devenir une “histoire-problème”, qui questionne le passé et remet constamment en question ses propres postulats et méthodes, afin de ne pas être en reste sur les autres sciences et sur l’histoire du monde. Cette obligation implique de sortir l’histoire de son “immobilisme académique” en diversifiant et surtout en croisant ses sources, au-delà des seules références écrites traditionnelles. Il s’agit de s’ouvrir aux autres sciences humaines, de les combiner entre elles afin de pouvoir stimuler la curiosité de l’historien. Pour citer Marc Bloch, l’autre fondateur : “Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier”. »
L’histoire se construit autour de phénomènes sociaux et humains, dont les traces, parfois visibles, parfois moins, méritent examen. Si ces traces existent, elles ne sont pas forcément évidentes ou enseignées, puisque l’histoire événementielle est bien souvent celle du groupe dominant, qui rejette ce qui ne l’arrange pas dans les périphéries, voire dans la zone de non-droit de la mémoire collective.
Osons un hasardeux glissement, CMB DTC, comme si l’histoire marxiste avait pénétré l’école des annales pour en dénoncer les juifs : « L’histoire est écrite par les vainqueurs ». C’est Robert Brassilach, très très loin d’être un coco, qui l’a énoncé en ces termes si purs, lui dont les mots claquent aussi fort que ses idées, d’une puanteur qui rend le maroilles oublié dans le coffre de la voiture un jour de juillet digne de figurer dans une collection de Guerlain (je choisis cette maison par hasard, hein ?).
Sauvegardez ça aussi. Troisième courant : la Nouvelle Histoire.
« La Nouvelle Histoire est avant tout l’“histoire des mentalités” : il s’agit d’établir une histoire sérielle des mentalités, c’est-à-dire des représentations collectives et des structures mentales des sociétés. En fonction de la question posée, l’historien-analyste s’efforce de proposer une interprétation rationnelle des données que lui a* fournies son corpus de recherche. »
* « ont », d’après Wikipedia. Vous jugerez.
Pas juste de l’événement, pas seulement de la construction basée sur la foi envers le progrès et ses phases déprimantes (âge d’or, déclin, croissance, ad lib.), pas que de grands ensembles, mais aussi le sentiment de vivre l’Histoire, de s’y situer, et comment cet ensemble s’exprime. Voilà aussi un objet d’étude, encore fort vivant aujourd’hui.
Partons de là et reprenez vos deux sauvegardes.
Il y a les actions-réactions-rejets, etc. Des phénomènes psychologiques connus. Je vous renvoie aux stades du deuil dans ce billet précédent, et au dessin d’Odieux Connard en lien, plus haut. On peut considérer que les mouvements de révolte, de déni, ou simplement de troll sont inhérents à chaque événement plus ou moins violent. Mais parlons plutôt des trolls plus argumentés.
Avant même le deuxième jour après la tuerie, les théories du complot apparaissaient. Des éléments troublants, il y en a toujours. Des possibilités de manipulation, de coup monté, de complots, truanderies, barbouseries, Charlespasquateries, françafriqueries, l’Histoire en est jalonnée. C’est le travail de recherche des Nouveaux Historiens, qui malaxent généralement sur la matière morte ou en train de le devenir ; je dis ça en tant qu’ex-étudiant se spécialisant sur l’histoire immédiate, celle des acteurs vivants, mais plus pour longtemps. C’est pourquoi j’utilise le terme matière et non acteurs. Les acteurs sont vivants, les faits sont morts : c’est ce qu’étudie l’histoire de la mémoire, qui s’inscrit en parallèle celle — sociale — des mentalités.
De la jonction des deux naît ce que l’imaginaire collectif représente. L’Histoire fantasmée en fait partie, et c’est cette partie qui apparaît comme palpable, vivace, dans notre cas de figure.
C’est une partie de l’histoire que quiconque a une ambition politique quelconque se doit d’exploiter : c’est un puissant outil de maniement des masses, et notre instinct grégaire s’y prête parfaitement. Nous cherchons tous à entrer dans des cercles fermés, des sociétés, des clans. Vestimentairement, virtuellement, religieusement, de manière évidente. Intellectuellement, être exclu de certains clans les fait apparaître comme dominants et suscite autant de réactions de créations de contre-clans que de contre-attaques. En gros : tu rêves en fait d’entrer dans une loge maçonnique, mais tu ne peux pas alors tu postules au Rotary club, en te foutant des nazes qui ne sont qu’au Lion’ s Club, pendant que ton pote vous crache tous à la gueule avec son cercle de Dieudonistes sur Facebook, qui fait rire les chauves de la Croix-Rousse.
Or, ce niveau « tinfoil-hat », celui qui se nourrit du fantasme du caché, celui qui présente la connaissance du secret, des secrets, des rouages de qui connaît les secrets, de comment les secrets sont faits, comment et pourquoi les secrets sont partout, etc., ce niveau-là intéresse l’historien. J’ai personnellement envie de savoir comment à partir de l’Histoire en train de s’écrire dans les grandes dynamiques humaines (sauvegarde 1 et 2), l’humain lambda cherche à en comprendre les coulisses alors qu’il n’arrive déjà pas avoir ce qui se passe sous ses yeux. J’admire sa pugnacité à construire des théories à ne partir de presque rien, par des raisonnements par l’absurde, comme un jour de mauvaise foi intense parce que tu as un bouton sur le front et que ta balance affiche +3 kg.
« Oh, tu es bien jolie aujourd’hui, ma chérie »
– AH OUAIS ? Et les autres jours, j’ai l’air d’une merde, c’est ça ? C’est pour ça que tu regardes toujours les putes toutes minces ?! »
Amis complotistes, sachez-le, aussi juste que puisse être votre cause, quelle que soit la qualité de l’argumentation, la forme du discours vous disqualifie dans 99 % des cas. C’est d’une tristesse…*
*ça me rappelle VinoBusiness, un documentaire d’une rare partialité, ruinant d’un coup des sujets fondamentaux, qui devaient être connus (pesticides, « fabrication » des vins, galère des petits paysans, etc.) à grand coup de manichéisme, commentaires débilitants, raccourcis volontaires. Un gâchis.
Que l’on considère la production de l’Histoire comme un phénomène de mémoire ou comme un phénomène écrit, rédigé, dans les deux cas, les théories complotistes modernes sont imbitables parce qu’écrites avec les pieds et contées avec une fausse modestie qui transparaît immédiatement parce qu’inhérente au projet : le but des théories « on nous cache tout », c’est de se mettre en avant comme celui qui sait. C’est juste l’orgueil en spectacle, comme tout le monde, mais en plus inscrit dans une tradition historique que vous ignorez, mais dont la rigueur vous fait défaut. Tout ceci est peu décevant, quand on fait son beurre sur le fait d’être une alternative tonitruante à la vérité officielle.
C’est vrai que je ne m’intéresse pas vraiment au fond de vos histoires de wannabe francs-maçons du café du commerce. Pourtant, je m’intéresse à ce qui vous amène à penser, à chercher, à étaler votre fierté de l’information acquise par vous seul et vos amis qui se défendent d’être politisés. Je m’intéresse à votre curiosité pour ce qui n’est pas vu, votre détresse à ne pas comprendre ce que vous voyez et à chercher des explications ailleurs, qui correspondent plus à votre sensibilité. De ce point de vue, je vous estime et je vous plains un peu, aussi, vous les ogres dont l’appétit ne touche que l’ombre.
Bref. Je ne milite pas pour que tous gobent tout et n’importe quoi, mais pour que vous arrêtiez de vous ridiculiser, et de me les casser sur les réseaux sociaux avec vos clins d’œil en guise de preuves tangibles. « Non, mais c’est trop gros, hein, on s’est compris » n’est pas une forme scientifique recevable, quoique votre manière de penser soit le produit d’une construction historiologique dominante, celle qu’on enseigne.
Synthèse, conclusion. Fusion des 3 sauvegardes.
Si l’histoire s’enseigne toujours aussi mal, autour d’événements (1515, 1789, etc.) c’est parce que ceux qui les écrivent entendent présenter ces événements comme une construction (nationale, sociale, politique, symbolique, collective), un jalon du (bon) sens de l’histoire en marche, comme la réalisation d’un courant, de phénomènes sociaux, que les Hommes ont produits, et comme symboles des représentations dominantes. Cela n’empêche pas la pluralité des points de vue, évidemment, ni les révisions de ces points de vue. La chute du mur de Berlin peut se voir sous plein d’angles différents : vous les chercherez vous-même, je ne vais pas écrire une thèse non plus.
Le 11 janvier de la phrase de Luz, on peut la superposer à cette optique : l’acteur est vivant, mais la mémoire porte sur un objet, disons, mi-mort (vous excuserez…). L’acteur prend acte des constructions de mémoire qui sont en train de s’opérer, et qui lui échappent presque totalement. Il voit s’opérer une construction historique : ressouder la nation — et la suite le montre, redonner une certaine image de la France, ce que, même si on n’a que peu d’occasions d’encenser un président, en France, il aura très bien géré. On remarque que le dessinateur ne va pas s’opposer au projet, fut-il résolument à côté de la plaque concertant la mémoire que lui-même — acteur et objet, en parallèle — a de ce qui est le déclencheur (le meurtre d’une rédaction de journal).

Je suis Charles Ingalls, mais là, je vais à un mariage, alors voilà, pas de chemises à carreaux, hein ?
En bref : il se résout à accepter la domination de la construction historique, tout en refusant de laisser totalement s’échapper l’objet (en faisant partie), et se prépare tant bien que mal à en assumer la subsistance dans le tsunami de récupérations qui s’approche. Merci Luz. Je vous aime.
Vous croyez que j’ai fumé la moquette ? Vous avez tort : j’ai bu. Je ne saurais écrire sobre. Je vous emmerde.
NB : toutes les personnes prises en photo ici sont mes amis et connaissances personnelles. Vous n’insinuez rien et vous allez boire une bière fraiche au lieu de réfléchir trop pour rien.
Jolies photos ! (bien qu’un brin perturbantes pour lire ton – effectivement – très long billet)
Ton analyse à propos de Luz est intéressante, je n’y avais même pas un brin songé, j’hésitais entre « il est trop choqué pour réagir vraiment » et « c’est un putain de vendu, en fait ! » Désolée pour la pauvreté des phrases-raccourcis mais, même si j’ai bien lu ce que tu as écrit et même si tu as raison, je ne trouve toujours pas de raisons « morales » à la présence de l’équipe du journal dimanche (s’il est sincère concernant la ligne de Charlie comme ne participant pas à donner une image erronée et catastro-phobique des musulmans en France , étant indépendante du pouvoir mais hum, hum…) . Bon, en tout état de cause, ils pouvaient difficilement être absents mais hum, hum (bis).
Je répondrais peut-être à côté de la plaque et j’espère que tu m’excuseras si tu classes mon com’ dans les ennuyeux ou useless mais puisque j’ai pris le temps de lire ton ressenti, j’ose aussi espérer que tu supporteras de lire le mien. Et c’est très long aussi, j’en ai peur.
J’ai aussi, très rapidement et spontanément, changé mon avatar pour un « Je suis Charlie » irréfléchi et profondément ancré dans l’émotion immédiate. Le choc.
Je suis également allée au rassemblement de mercredi avec mon fils en lui disant « je veux que tu vois ce qu’est un moment citoyen, que la violence ne peut / ne doit pas réduire notre capacité à réfléchir, s’exprimer ou vivre avec les autres, que tu vas entendre plein de choses mais qu’il va falloir que tu réfléchisses bien avant de te faire une opinion, bla bla ».
Et puis, j’ai écouté, entendu, lu, fouillé, questionné.
– Les Philippe Val demandant aux musulmans d’affirmer haut et fort qu’ils étaient contre les terroristes,
– les Bougrab pleurant sur les plateaux télé avec des « mon amour » plein la bouche et clamant que la famille de Charb le tuait une seconde fois en niant leur relation,
– les Marine Le Pen réclamant un référendum sur la peine de mort et exclue du rassemblement du 11,
– les Chefs d’état n’y ayant certainement pas leur place conviés à ce même rassemblement (et qui comptera 4M de Français pour s’y rendre),
– l’ex-Tartuffe en chef invité par l’actuel Tartuffe en chef essayant de poser en première ligne pour rester dans les médias à défaut de l’Histoire,
– Boko Haram et ses 2000 nouvelles victimes,
– l’article d’Olivier Cyran dans Article11,
– les articles de Charlie que j’avoue je n’avais pas lu depuis des années et qui sont souvent à gerber (in my opinion),
– le fait que Coulibaly ait en 2008 réussi à pondre avec un co-détenu un docu de 2h30 à l’intérieur de Fleury-Mérogis pour dénoncer les conditions inhumaines des geôles françaises,
– les selfies et les #OnPourraDireQu’onyEtait de dimanche,
– les agressions contre les lieux musulmans qui se multiplient,
– les manifestations de Pegida en Allemagne,
– la promesse de nouvelles lois violant encore un peu plus nos libertés et 68% des Français qui les demandent…
Et j’en passe (oui, tu peux dire « merci », la liste aurait pu être bien plus longue) et tu trouveras certainement que tout n’a pas la même valeur ou que peut-être certaines choses n’ont pas à y figurer mais je suis vraiment déboussolée. Comment en est-on, en moins d’une semaine, arrivé là ?
En gros, j’avais prévu le débat récurrent du FN sur la Peine de mort, qu’aucun des trois mecs n’en sortiraient vivants (et j’ose l’avouer, je l’espérais presque, tellement je craignais le procès et tous les « débats » qui l’entoureraient), les selfies de la manif et voilà voilà… Pour le reste, ça fait six jours que j’ai mal au bide, que je ne réussis pas à trier toutes ces infos, tout ce qui s’est passé, tout ce qui ne va pas manquer de se passer dans les quelques semaines qui arrivent.
Et ça tourne en rond. Vraiment en rond. Rien n’en sort. A peine ai-je eu le temps de croire que j’ai assimilé quelque chose que « boum ! » un nouveau personnage, un nouvel acte, une nouvelle scène dans cette pièce que j’espère ne pas comprendre parce que, pour le moment, j’en suis à :
– 19 gentils tués VS 3 méchants tués,
– la machine médiatico-politique ronronnant sa musique manichéenne habituelle pointant les toujours même coupables du doigt et proposant toujours les mêmes solutions parce que trop aveugle/fainéante/habituée/manipulatrice/électoraliste (etc.) pour se remettre en question ou mettre un coup de pied dans la fourmilière,
– les Français toujours indifférents et/ou bon public et/ou extrémistes et/ou ego-ethnocentrés et/ou ignorants (etc.)
– le monde poursuivant sa marche sur la même lancée de destruction et de gavage au mépris de l’autre.
Je crois, qu’une fois de plus, dans cette pièce, j’ai le rôle de la naïve de service qui pensait vraiment que la mort de ces 19 personnes allait changer fondamentalement notre façon d’appréhender le Monde. Je ne sais pas si je vais me « résoudre à accepter la domination de la construction historique » ou me cacher dans une grotte. Mais c’est peut-être la même chose, non ?
Si tu veux supprimer mon commentaire précédent, n’hésite pas. Je me rends compte que je ne suis pas capable d’analyser quoi que ce soit en ce moment et d’avoir une pensée construite (ni même de savoir si oui ou non j’ai bien compris propos et si j’ai ou non une pensée sensée) et que ça doit être truffé de lieux communs, d’approximations, de pathos, etc.
J’envie juste tous ceux qui trouvent leur place dans la situation actuelle parce qu’en ce qui me concerne, je suis juste paumée.
Non, sauf demande plus clairement formulée de ta part, je n’effacerai pas. Je trouve ça intéressant. Et on a tout a fait le droit de penser une chose et son contraire d’un jour à l’autre : c’est sain d’être dans le doute, de se remettre en cause, de chercher.
Merci d’avoir commenté.
Nope, je m’en fous. C’était si ça te saoulait d’avoir un commentaire dépressif et tâtonnant. Même si pour le tâtonnement, je me disais que ça te déplaisait moins 🙂
Et merci à toi d’avoir écrit ce billet. Comme toujours, lire l’autre, essayer de coucher sa pensée sur le (presque) papier permet d’avancer sur son raisonnement malgré les inévitables errements.
Tiens, ça faisait longtemps… !
J’ai tout lu, mais je crois que je n’ai pas tout compris. Cette notion d’histoire(s), tout ça… Donc mon com’ va être à côté de la plaque. Mais bon, voila : je préfère écrire ici ce que j’en pense, parce que c’est plutôt anonyme, mais en même temps il risque d’y avoir des réactions, et ça se pourrait qu’on se foute sur la gueule, et ça, ça peut être drôle vu que généralement c’est moi qui gagne.
J’ai envie de citer : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »
Tu dis : « Ressouder la nation (..) [Hollande] aura très bien géré »… Ouais, enfin, vu le contexte, c’était inratable… Même pour lui ! (Et encore faudrait-il être précis en disant « Ressouder la majeure partie de la nation »… Je ne pense pas être le seul à avoir lu des trucs hallucinants sur les rezosossios… Enfin bref… C’est un autre débat).
Le contexte permet, justement, à toutes les personnes qui sont descendues dans la rue, de militer pour une cause sans forcément adhérer à l’ensemble. Et je dirais même, sans obligatoirement adhérer à la liberté de la presse telle que nous l’entendons, ni aux valeurs qu’ont portées Charlie Hebdo. « Je suis Charlie » c’est le dessin (tiens) du mouton de l’aviateur au petit prince : le dessin d’un boite, mouton est à l’intérieur. Hollande a eu – si on veut lui reconnaitre un mérite – la finesse de ne pas expliciter ce qu’il y avait dans la boite…
Mais malgré cela, dans le processus de construction historique « cause à effet » ou « actions/réactions » – pour reprendre ton thème – je ne pense pas que tout puisse advenir. Et je dirais même que les caractéristiques de l’évènement empêchent que n’importe quoi puisse arriver.
Comme dirait Joël Robuchon, « voici les points importants de la recette » (ne vas pas croire que je verse dans la théorie du complot – ou bien je suis dans les 1% que le style ne trahit pas… j’espère – et d’ailleurs ça n’a pas d’importance, vu que ça fonctionne quand même) :
– Un organe de presse, symbole de la liberté d’expression, touché à un niveau tel dans son organisation, que ça pérennité est objectivement mise en question. De fait, le citoyen sent, à juste titre, la portée de l’acte tout cependant que la corporation, pour des raisons tout autant compréhensibles, sur-réagit et sur-relaie l’information. J’utilise le terme « corporation », pas faire de procès en « corporatisme », mais c’est à mon sens une raison pour laquelle la « communication » (le marketing… ?) a été si rapide et efficace. Si ça avait été un commissariat de police ou même une école, ça n’aurait pas du tout eu le même impact, pour tout aussi abominable le massacre aurait pu être.
– Les terroristes un peu types avec une particularité : ils sont français. Donc c’est un problème national dont il va falloir qu’on s’occupe chez nous. Après, on imagine des mecs bien fanatisés, un peu organisé mais pas trop, assez couillons sur les bords pour laisser derrière eux ce qu’il faut pour qu’on les coince rapide… Mais à côté de ça, des vrais méchants capables d’un tel niveau d’atrocité (je ne pense pas que le coup des vierges et tout ça, les mecs y croient vraiment, si… ?).
– Un nombre important de victimes, populaires, et qui, sur le plan humain, sont tout ce qu’il y a d’aimable. C’est pas comme si ça avait été 2 ou 3 mecs inconnus et notoirement vils ou méchants. Des mecs qu’on a assassiné pour un motif que la plupart des français ne peuvent pas comprendre… !
– Et puis tu me rajoutes aussi des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction… « si possible » tu m’échantillonnes des minorités visibles, un musu, une fille, etc. et avec des belles gueules, hein ?
– Et on va finir le truc dans une épicerie cacher, avec quelques juifs morts aussi, en clin d’oeil, histoire que eux aussi se sentent bien vénère, et qu’il n’aillent pas dire que c’est pas leur combat ces hypocr…
Mais je m’emporte…
OK, on n’est pas passé loin d’avoir le réfugier politique tibétain, échappé à l’age de 12 ans de l’usine d’iphones en Chine où il était séquestré, et qui se serait interposé avant de prendre cher lui aussi, et juste manqué qu’ils nous fassent péter une centrale nucléaire vétuste ou que ça débouche sur un carnage de bébés phoques…
Quoi ? On peut rêver quand même… !
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Enfin, tout ça pour dire quoi ? Comme l’a dit Marine, cet attentat à pour intérêt de « libérer la parole ». Mais pas avec la finalité qu’elle imagine. Avec comme conséquence de permettre le débat d’idées.
De se poser des questions sur les mots : « liberté d’expression », « islamophobie », « calomnie »…
De permettre de discuter et de convaincre ceux qui, justement, n’osaient pas dire qu’ils étaient « pour » la peine de mort dans des cas « comme ça ».
De permettre de discuter et de rassurer ceux qui n’osaient pas dire leur peur de l’autre.
De se rendre compte de la réalité de la pratique de l’islam en France ; de se demander si, finalement, il n’est pas temps d' »intégrer » l’Islam, de discuter de l’opportunité de la doter d’un clergé ou d’une haute autorité en France.
De se demander comment réagir si, au nom de valeurs et d’idées que l’on revendique et pour lesquelles on milite, des actes que l’on ne cautionne pas sont perpétués…
Enfin bref…
Je m’en bat les couilles
C’est complexe et simple à la fois. Toi, tu y vois finalement le énième développement d’une histoire en marche, dont l’immédiateté et la violence exacerbe forcément à la fois le meilleur et le mauvais. Moi j’y vois simplement de l’humain. Et l’humain est con. Les actes commis, la suite des événements, le score de Marine la divine en 2017… ou la chronique d’un désastre annoncé.
J’ai failli vomir mon Picon en voyant Ali Bongo à cette marche… Mais ma « source proche du gouvernement » perso m’a alors susurrée de sa voie suave: » « on » les a pas invité, ils ont envoyé un message disant « je viens ». Si on te dit « je viens » diplomatiquement ça le fait pas de répondre « nan, allez niquer vos mères, plutôt. »
(surtout quand dans le pays du monsieur il y a du pétrole, de l’or, des diamants, de l’aluminium, du gaz etc…)
Bref, moi aussi je lisais plus Charlie depuis longtemps, mais mon Pére était fan de Wolinski et j’ai gardé de la tendresse pour le Canard et pour Fluide Glacial alors j’ai pleuré. Mais effectivement, si j’y suis allé modestement de mon « je suis Charlie » au fond de moi je n’étais pas vraiment Charlie, mais j’ai souffert avec lui et j’ai été triste avec lui.
Quand à la grandeur retrouvée de la France, au sursaut de son peuple, pardon, j’y crois pas une seconde. J’aimerais. Mais non.
Des bises.
Des bises aussi.
Clarence, ✊
Je vais coller un peu d’updates de liens intéressants ici. Vous prendrez soin de comprendre que je ne suis pas forcément d’accord, mais que je trouve que ça vaut le coup d’y jeter un oeil.
http://blog.mondediplo.net/2015-01-13-Charlie-a-tout-prix
http://www.politis.fr/Le-dernier-Charlie-Hebdo-est-une,29701.html
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/14/polemique-dans-la-famille-charlie-hebdo_4556428_3224.html
Clarence s’est réveillé :
https://clarenceboddicker.wordpress.com/2015/01/16/keep-walking/