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alcoolisme ordinaire, fait maison, inaka report, kamado, kohaku, miso, onna nakase, Osechi, Shizuoka
C’est sans surprise que les fêtes de fin d’année se sont déroulées à la campagne, et vous allez donc en reprendre une louche, avec plus ou moins le même goût que l’année dernière.
Je dis « fêtes de fin d’année » par convenance, mais il s’agit en fait de l’inverse. Le point de vue des Japonais n’est pas exactement le même. On célèbre le début de la nouvelle année plutôt que la fin de l’ancienne. Pure coïncidence ou erreur de calcul, l’anniversaire de l’empereur, jour férié, tombe le 23 décembre, mais sinon, on on travaille jusqu’au 26, en moyenne, voire bien plus… ce n’est pas la Suisse, où les commerces entrent en hibernation du 24 au 02, ou quelque chose comme ça. Ici, c’est vraiment du 1er au 3 que c’est mort.
Je vous épargne les détails sur toute la mythologie de Noël japonaise, j’imagine que si vous avez atterri ici, vous avez aussi lu des blogs de gens qui ont encore la foi dans l’utilité du partage de trivialités du genre.
Oh, le mépris que voilà ! Oui, sachez-le, je suis de mauvaise humeur, comme souvent quand je vous écris. Plus que la foi, c’est le foie qui se meurt chez moi. 10 jours de vacances, c’est autant de crochets sous les côtes. L’alcoolisme japonais est un sport de combat.
Bref, pour moi, loin de la ville, pas de poulet rôti KFC de Noël, pas de fraisiers à la génoise juste bonne à effacer un tableau noir, pas de repas en tête à tête dans un resto « french » alors que je peux faire la même chose pour un budget 8x moindre, pas de promenade main-dans-la-main avec une gourdasse qui hurle « KIREIIIII » devant chaque tas d’ampoules de couleurs qui scintillent comme des pulsars préférant mourir que de regarder une émission TV avec les Bogdanovs.
Quoique : pour la première fois, cette année, devant la petite gare locale de Rokugo, à Shizuoka, on avait maquillé les arbres décharnés de kilos de guirlandes de couleurs rose, blanche et bleutée, un peu comme Michou, quoi. J’ai dit « KIREIIII ! » avec une voix de conne, et ma compagne m’a sobrement répondu « Ta gueule ! » dans un français irréprochable et de circonstance. J’étais content.
Pour le reste, c’était comme en France : famille, beuverie, lourdeur. Avec une variation spéciale, locale, immanquable : le triangle des Bermudes cérébral s’appelle Mikan-Kotatsu-Terebi. Manger des mandarines jusqu’à en avoir les pouces jaunes, assis à même le sol, les jambes fondant comme une demi-meule de raclette sous la table chauffante, en regardant la merde, toute la merde, sans exception, qui passe à la télévision.
Le point d’orgue étant bien entendu le Kohaku, concert de fin d’année, 3 h de kitsch (ça vous étonne ?) à faire passer le Patrick Sébastien au Crazy Horse pour une kermesse au couvent franciscain. Entre tradition et saké, puisqu’on va pas rester assis sans boire, hein ?
Tu connais la Lozère ? Ah bravo, tu as googlé et tu veux une médaille ? Parce que les Japonais, ils ont une passion pour la Lozère. La moitié des groupes de putes prépubères s’en réclament, ça fait canaille, racaille, avec un mouton kawaii sous muselière. Tu veux des noms de groupe ? Des plaques minéralogiques, et c’est tout ! SKE, NMB, HKT 48, check la classe sur la 205 blue-jeans. La Lozère ne cesse de représenter. Le 48, ma terre-terre. Ouais gros.
Presque du même acabit, telle la vive qui pique le pied du footballeur sur la plage d’Hébron, on sursautera de remarquer que cette année, nos diasporas-boys préférés EXILE ont reçus un pendant féminin, copies totalement ratées de K-Pop : les E-girls. Welcome to the Hotel Girlyfornia. Mazeltov !
Revenons à nos histoires de boisson, histoire de ne pas vomir pour rien.
Le premier soir est passé à la trappe de ma mémoire. Un nabé, avec des tonnes de trucs qui mijotent dedans, dans un ordre improbable, de quoi se faire suicider presque tous les diététiciens occidentaux : travers de porc, champignons, coquilles saint-jacques, limande, boulette de poulet, poireau, chou chinois, lait de soja, piments.
Oui, dans le même pot. J’ai donc bu 1,7 litre de nihonshu, et tout ceci a eu le temps de se dissoudre tranquillement jusqu’au matin, pour ressortir avec l’élégance d’un arroseur de jardin qui aurait des ratés.
Je ne suis pas Bukowski, je ne m’attends pas à vous faire rêver avec mes histoires de vomi, hein ? C’est éducatif. Je le fais pour vous. Vous me remercierez plus tard.
Couper du bois, faire chauffer les bassines, cuire 10 kilos de haricots de soja, faire du miso, une routine, désormais. Une satisfaction, aussi, celle de savoir qu’on va manger du bon miso toute l’année, fait maison.
Des heures tranquilles, à boire le café devant le feu, qu’on alimente doucement. Enfin un peu de temps à ne presque rien foutre.
Pendant ce temps, dedans, on s’active à faire l’Osechi, cette cuisine trop sucrée (parce qu’elle doit garder trois jours à l’air libre ou presque) de Nouvel An, dont de moins en moins de gens ne veulent. Celles qui la font, les femmes qui rament en cuisine pendant de longues heures à faire quelque chose qui coûterait cher à acheter, d’ailleurs. Ceux qui les mangent, qui n’aiment jamais tout, ou refusent par hygiène, parce que c’est sûr que comme nid à bactérie, y’a rarement mieux.
Mais c’est joli, et c’est la tradition, alors le Japonais continue à le faire, jusqu’à ce qu’un accident salvateur mette fin au processus (décès du conjoint ou des vieux, intoxication alimentaire, tremblement de terre, etc. Sans ça, pas de changement).
Petit déjeuner de bourrin.
Tiens, je vais poster un commentaire là où y en a pas, si j’y parviens cette fois-ci, ce qui serait un miracle vu mes tentatives répétées mais toujours plus foireuses au cours desquelles on m’a demandé des identifiants et mots de passe irrécupérables, mais tu t’en branles sûrement un peu…
Donc c’est un commentaire général, pas forcément en rapport avec ce billet (si je retrouve les articles qui m’avaient inspirés des commentaires et les commentaires en question, je commenterai aux endroits adéquat)
Juste admirative quand je lis ton blog, qui semble écrit avec les couilles quand le mien semble écrit avec un bic 4 couleurs, des ronds sur les i et une règle pour souligner: En plus je suis sûre que tu écris ça en 1h ou 2 en t’enfilant 1 litre de rouge alors que moi j’y passe des éternités au thé vert. Bon oui, j’avoue, j’écris la base au vin rouge, mais ça va pas bien loin..