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Avertissement 1 : va falloir se taper des vidéos pour comprendre, pour une fois. Ça vous fera du bien au cerveau.
Avertissement 2 : Ça va comme toujours passer furieusement du coq à l’âne, mais plus que d’habitude ! Le danger d’écrire la nuit, à chaud, après une journée de travail, et à jeun. Ne faites jamais ça, aspirants blogueurs/euses : ouvrez toujours une bouteille de poulsard quand vous écrivez. Ça vous évitera le genre de merde qui suit.
Parce que finalement, Varoufakis a dû partir. Il avait raison, mais pour l’avenir commun, il ne peut continuer à avoir raison là où il avait raison. Trop de rancunes, trop de crispations, mesquineries, intransigeances.
Moi aussi, au fond, je n’y comprends rien, mais je ne saurais m’y résoudre, comme je n’ai jamais su le faire.
Je pourrais bien sûr prendre la première analyse venue, genre presse totalement neutre (figaro, financial times, etc.), ou tweet forcément objectif malgré l’absence de sources, et ça pourrait même me satisfaire puisqu’avec l’âge, inévitablement, on vire à droite. Non, pas la droite imbécile qui est au pouvoir, ni même la pire qui entend y revenir, ni même les écervelés des extrêmes. Non, la droite abstraite, celle du sentiment, qui dit : « je ne veux pas perdre ce pour quoi j’ai fait des efforts. Je ne veux pas qu’un fainéant profite de mon labeur. Je ne veux pas qu’on touche à ma liberté de me ficher de celle des autres ».
Cette droite-là est innée, je pense. Naturelle, puisqu’elle vient de notre instinct de conservation. Vous relirez Laborit, Lacan, Debord et les autres pour une analyse plus fouillée…
Cette droite cohabite (collabore ?) en moi avec ma petite gauche personnelle, et c’est pas toujours très propre. On dirait Frederic Mitterand et Roger Peyrefitte dans une boîte de camping du Cap d’Aude, en gros.
(attention, spoilers)
L’idée de gauche, pour moi, c’est l’idée de placer l’humain en tant qu’individu évoluant au sein d’une communauté désormais sans grande limite au centre des préoccupations. Ce n’est peut-être pas l’acceptation générale du mot « gauche », entre ceux qui s’en réclament, mais font des choses incompréhensibles, et ceux qui y voient une insulte pour les raisons précédentes, plus une mauvaise foi à filer des hépatites à un ascète.
L’humain au centre du débat, c’est très utopique, mais après tout, comment ne pas rêver à mieux, alors qu’on continue à s’achever pour deux religions, pour schématiser : le monothéisme, si possible réduit à une obéissance sans questions sous peine de représailles, et le capitalisme, présenté comme tradition humaine de la nuit des temps et horizon indépassable parce qu’inhérent à la nature humaine… paye ta tenaille des pessimismes….
L’humain comme centre d’intérêt, ça implique pour moi jongler entre mes idéaux et mon égoïsme, déjà évoqué. Des idéaux très simples, au final : faire en sorte que tout le monde y trouve son compte. Certain veulent plus ? Tant mieux, qu’ils s’en donnent les moyens, à condition que ça ne handicape pas ceux qui se contentent de moins. S’ajoute à ça l’idée que la misère n’est pas une option : rien ne justifie le fait qu’un être humain ne puisse vivre correctement. J’ai pas dit dans l’opulence ! J’ai dit « correctement ». C’est quelque chose que tu peux définir toi-même, non ?
C’est tellement simpliste que vous me prenez sûrement pour un benêt, mais qu’importe : c’est comme ça que j’organise ma vie. Si je peux faire quelque chose, je le fais. Si je ne peux pas, je ne le fais pas. Voyez comme c’est simple ?
Enfin, presque… Parfois on peut donner donner donner doooooonnner, mais personne ne le rendra, même pas Enrico, qui était si beau, ayayayaïe. C’est un risque à courir. Et souvent, on ne demande rien et on reçoit. Certains en viennent à croire à cette notion déresponsabilisante de karma, du coup. Moi pas, bien au contraire. J’y reviendrai.
L’égalité, pour autant, n’existe pas dans mon monde. Je trouve ça particulièrement insultant et démotivant, la notion d’égalité. Que nous soyons équivalents, oui. Égaux, non.
Prenons un exemple :
J’ai la chance d’avoir un subtil centre d’analyse sensoriel dans la bouche, là où Robert-Patrick-qui-n’écrit-plus-ou-presque n’a qu’une broyeuse à papier recyclé. Quand un mec est capable de dire que les gens qui achètent du sel de Guérande sont des fils de putes parce que « du sel, c’est du sel, quoi ! Ça a tout le même goût », tu sais pourquoi on mange toujours dans le même restaurant et pourquoi ce pays crève à petit feu des pathologies déclenchées par l’orgie quotidienne d’aliment préfabriqués infusé de glutamate monosodique.
À cause des gens qui ne savent pas distinguer deux goûts de sels différents. Des Roms nazis de la bouche. Des Wouter Basson* des papilles. Des porteurs de jeans Célio.
Figure-toi que si je prends cet exemple plutôt que de revenir sur la politique, sujet glissant comme le sol d’un tonkotsu ramen en fin de semaine, c’est pour éviter de vous prouver que mes amis ont généralement des idées politiques tellement merdiques que j’essaye de ne pas parler de ça avec eux tant j’ai peur de me transformer en washlet. J’espère qu’ils apprécieront mon sens de la mesure et de l’amitié, ces bâtards poujadistes.
De toute manière, il faut être un demeuré complet pour penser que l’égalité, éducative, par exempte, est :
- possible
- autre chose que dommageable, socialement parlant.
Disons que nous ayons tous le bac. Ça signifierait que comme les programmes ne sont pas adaptés sur un autre schéma que celui de la compétition industrielle et des chaînes de production, une partie des enjeux de l’école républicaine soit perdue. Je vous rappelle que ça s’appelait à la base « l’école du mérite ». Quand tu sais que tout le monde va réussir à faire la même chose, quel est le mérite ?
Ça veut dire aussi que faute de réformer la manière d’enseigner et d’adapter les formes d’enseignement, on va adapter les contenus et les évaluations. En gros, niveler vers le bas et passer la pommade. Et du coup, démotiver totalement ceux qui pourraient briller, dans cette tradition nationale qui veut que la réussite soit forcément amorale.
A terme, ça implique la fin de la production-type de l’école à la française : la rédaction.
La rédaction, cet exercice si subtil, dont on redécouvre la finesse et les enjeux quand on commence à l’enseigner, comme moi, à des adultes japonais, diplômés de grandes universités, et qui n’en ont jamais fait.
Intro. Problématique, annonce du plan. 3 parties, 2 à 4 sous-parties, soignez les transitions. Ne pas bâcler la conclusion. Ne pas tout dévoiler en intro. Ne pas poser de problématiques dont la réponse est oui ou non. Pas de redites. Pas de HS. Soignez le style et l’orthographe.
Franchement, mes élèves suent. Je les vois bouche bée devant mes suggestions de remodeler leurs plans détaillés un peu naïfs, un peu criards, parfois trop vagues ou factuels. « Combien d’années nous faudrait-il, nous qui n’avons que quelques mois avant de partir à Science-Po ou à l’ENA ? »…
Ils apprennent la crainte, la triple crainte inhérente à toute rédaction, qui en est devenue une crainte nationale :
- Crainte de l’échec sur le fond : « je ne sais pas, je ne sais plus ! Comment tiendrais-je 3 parties ? » La rédaction met en lumière le néant. Le déséquilibre et les lacunes dans les connaissances deviennent criants.
- Crainte de l’échec sur la forme : « si mon plan est bancal, je vais prendre cher ? » La forme discrédite le contenu, comme la démonstration foireuse en math fusille le résultat, fût-il correct, ou l’olive noire entre les dents massacre votre plan drague avec Dan Mitsu, que vous sentiez si bien. La rédaction, c’est d’abord un exercice. Écrit. D’organisation des idées.
- Crainte de l’échec personnel, parce que ce n’est pas seulement ce que je sais qui est évalué, ni comment je l’organise, mais encore comment je le dis. Mon style, forcément unique, une part de moi. Si j’échoue, si j’ai une mauvaise note, c’est inévitablement que je suis en position d’échec. Je suis personnellement impliqué, et mon 08/20 ne dit pas seulement que j’ai mal révisé et rédigé un peu vite, il dit aussi que je suis mauvais.
Mes élèves adultes n’ont pas le temps de se rendre compte de tout ça, aussi clairement qu’exposé ci-dessus. Qui plus est, ils n’ont pas besoin de cette expérience, pour la plupart, mais savoir que ça a marqué ceux qui seront leurs interlocuteurs sur les bancs des prestigieuses écoles qu’ils se préparent à incorporer est souvent bien utile. Ils font spontanément le lien avec la peur des prises de risques économiques, par exemple.
Je ne souscris pas à tout ce que Claire Blondel dit, loin de là. Surtout que ses exemples familiaux me semblent assez peu représentatifs, en particulier comme illustration de l’école en Asie. C’est avant tout d’école d’expatriés qu’elle parle.
On peut être admirateur de Sparte et d’Athènes en même temps, mais pas pour les mêmes points. Pour ma part, j’aimerais offrir à mes élèves la rigueur dont ils ont besoin, sans les forcer à entrer en compétition. C’est pourquoi je milite volontiers pour l’abolition de l’évaluationnite, une maladie moderne qui ne fait qu’affaiblir la confiance que les apprenants ont en eux-mêmes.
Vous lirez ceci, si ça vous tente: https://lejournal.cnrs.fr/billets/plaidoyer-contre-levaluation-permanente et cela: http://www.christianpuren.com/2014/12/06/a-propos-de-merle-pierre-faut-il-en-finir-avec-les-notes/
Ça ne veut pas dire en finir avec la compétition, mais juste la réorienter vers quelque chose qui n’abîme pas les ambitions. Quand je fais du bloc (=escalade), j’aime voir quelqu’un faire une voie, et qu’il la réussisse ou la rate, ça me donne envie d’essayer de la torcher. C’est avant tout un défi contre moi-même, entre mes 95 kilos et ces minuscules prises en résine vissée sur 4 mètres de bois. Si je réussis, j’en suis fier, mais je ne vais pas faire une danse de la victoire en pissant autour de Ken et Nao non plus, évidemment.
Je pense qu’on doit pouvoir enseigner de la même façon. Avec la même approche.
Du coup, je suis un fervent partisan du maintien de la rédaction, de la philo, de la littérature et de tous ces « gadgets » que la dictature des marchés entend faire éliminer de l’école. Ce n’est pas parce qu’ils ont inculqué une certaine frilosité ou un académisme fort national à une majeure partie de la population actuelle qu’il faut les jeter. C’est plutôt que le choix des manières d’enseigner, d’évaluer et d’utiliser ces exercices est défectueux.
Changer d’approche signifie ici que l’enseignement doit se faire dans l’intérêt de l’élève. C’est un investissement à long terme. Former des humains, et non des travailleurs. Des humains qui choisiront probablement de travailler mus par leurs passions, mais qui saurait le jurer ? C’est un risque à prendre.
La Grèce a pris un risque. Elle se fait virtuellement lyncher par ceux qui n’ont pas le courage d’en faire autant, ou qui ont peur d’y perdre quelque chose. Je les comprends, mais c’est aussi ça, le monde. Deal with it. Les États-Unis sont un des États les plus protectionnistes qui soient et on ne leur reproche pas sans arrêt de ne pas jouer le jeu du capitalisme, non ? Eux ne s’en privent pas. Parce que YOLO. Ceux qui sont à plaindre, ceux qui serrent l’anus, ce sont ceux qui continuent à espérer que les perdants et les gagnants respecteront les règles du jeu.
L’humain n’est pas un projet à rentabilité immédiate, et alors ? Peut-être qu’à long terme, d’avoir des individus éduqués, qui ont autre chose en tête que le fric, la peur d’en manquer ou la soif d’en amasser, serait rentable, en terme de police, justice, environnement, santé… Moi, je trouve que ça vaut le coup.
Après, parfois, ça passe mal. Le fric est la valeur suprême au Japon, et ne pas jouer dans les règles, c’est faire serrer l’anus à la petite BCE qui sommeille en chaque employé.
Je quitte mon employeur principal à la mi-septembre. Les idées ci-dessus en sont en partie responsables*.
« Recht häsch, aber schwiege sötch », disait feu Samuel à ma mère, en suisse-allemand. « Tu as raison, mais ta gueule ».
*La suite sous peu, promis.
Pas grand chose à rajouter si ce n’est une nuance sur la phrase suivante :
« Du coup, je suis un fervent partisan du maintien de la rédaction, de la philo, de la littérature et de tous ces « gadgets » que la dictature des marchés entend faire éliminer de l’école. »
Si on écoute Frank Lepage parler de sa mère qui sent une couille quand on propose pour son fils une classe optionnelle latin/grec au collège qui servirait à rien mais à laquelle tous les gosses de riches sont inscrits, ou quand on lit – moins rigolo – des ouvrages de Bourdieu comme La Reproduction ou La Distinction, on réalise que ces enseignements une valeur souvent mésestimée.
Si jamais ça devait disparaître ça serait sûrement pour faire deux types d’écoles, l’une privée, générale, et l’autre publique, tournée vers les matières « pratiques » (la compta, la cuisine, l’anglais…).
La véritable égalité, celle de la devise française, ce n’est pas ce gloubi boulga des socialistes, mais l’isonomie: l’égalité de tous devant la loi. Avouez qu’en France, on en est bien loin…
Tu dis : « Des humains qui choisiront probablement de travailler mus par leurs passions, mais qui saurait le jurer ? C’est un risque à prendre. »
C’est exactement ça le problème, je crois. En France, t’en connais qui prennent des risques ? Pas beaucoup je présume, surtout pas au niveau politique en tout cas. Outre l’éducation, de mon côté, dans un autre domaine (celui des mots) j’en aurais aussi beaucoup à redire sur l’immobilisme de la terreur. Même là, on ne prend plus aucun risque…le mot « viol » ? OH NON malheureux, même si tu voulais jouer du mot pour créer une image satirique prêtant à sourire ton auditoire, dans un contexte totalement entendu et absent de toute ambiguïté, c’est un mot trop connoté, trop fort…trop porteur d’ambiguïté malgré ton intention…qui ne manquera pas d’en offenser…protégeons la dignité des gens ! Ah bon, la dignité ça dépend des autres ? Je croyais que c’était un truc qu’on gardait pour soi, quitte à quitter la scène sur un harakiri rageur pour priver son ennemi du panache de sa victoire…Et quid du droit à ne pas être offensé…ça existe ça ? Parce que si on commence à figer le sens des mots et à graduer leur utilisation en fonction d’une hiérarchie des victimes (nous sommes tous des victimes de la société, si on en croit la gauche française), on pourra plus dire congé maladie pour un rhume, car le cancéreux de la boîte va mal le prendre…
J’ai cru que j’étais socialiste jusqu’à il y a peu, quand j’ai découvert que non, je ne me reconnaissais pas dans cette idéologie…qui n’a rien à voir avec ce qu’elle m’avait prétendu être. Je me suis retrouvé dans ton analyse par contre, je la trouve juste selon mes maigres connaissances sur le sujet. Car oui, c’est aussi un peu le problème du moment en France, je crois : aucune autodiscipline pour accepter de se taire quand on se sait incompétent…surtout si on est ministre du truc qu’on ne comprend pas…mais ça, c’est l’idéologie, ça aide à se décomplexer, on se dit qu’on a tout compris (suffit de partir d’une idée de base prémâchée…génial le concept, ça facilite la réflexion ensuite…même pas besoin de faits).
Je crois que tu te disais de gauche (de manière plus génétique qu’idéologique) mais je crois que tu es comme moi, tu as été trompé sur la marchandise. La gauche m’a fait croire qu’elle était le parti de la solidarité sociale…en fait elle a montré ses vraies couleurs, elle marche pour les minorités, pardon les oppressés… C’est peut-être aussi pour ça que toi comme moi devenons de droite (pas la droite française, mais nôtre droite personnelle, comme tu le disais), peut-être qu’on devient moins crédule sur la couche de merde idéologique qu’on nous donne à avaler (pendant que ceux qui étaient sensés, je le croyais, être le parti des athées ou des laïcs, sont devenus les putes de l’Islam…ironie marxiste ?). Ou qu’on est enfin honnête avec nous-mêmes. En fait je crois que je me suis trop projeté…on m’avait tellement dit qu’ils étaient les gentils, qu’ils défendaient la société idéale, je n’avais pas compris que leur société idéal n’avait rien à voir avec la mienne…je m’étais convaincu du contraire, comme beaucoup qui vont déchanter sous peu…
Ou alors comme disait De Gaulle les socialistes n’ont jamais vraiment été des socialistes…Ce que je commence à croire, car ils sont juste des faibles, des lâches qui se cherchent un système qui les exonèrent de leur lâcheté, de leur faiblesse…un système où on n’assume même pas un mot, où on passe son temps à protéger la sensibilité de tous, où surtout il n’y a pas de conflit (t’es fou, conflit = mal = guerre = Hitler)…histoire de ne jamais avoir à défendre ses idées, non plus, puisque tout est déjà entendu, sans nuance dans le langage…
Je sais pas si tu y es déjà rentré, en France, mais j’espère que tu t’y trouveras un coin de paradis loin des conneries ambiantes, moi je suis pas près d’y retourner…
Oh gros, c’est ton blog qui sent la moussaka !
Tu vieillis ou quoi ?